Hommage à Nelson Mandela, invité d’honneur au Conseil international de la JOCI en Afrique du Sud, 1995

« Quelle que soit la situation d’inégalité, si les gens sont engagés et bien organisés, alors même le plus brutal oppresseur ne pourra les arrêter indéfiniment »

mandela1Le dimanche 26 novembre 1995 était un grand jour pour la JOC d’Afrique du Sud et les 130 délégués du Conseil international de la JOCI. La JOC d’Afrique du Sud avait décidé d’organiser la cérémonie d’ouverture dans la petite cité noire d’Oukasie-Brits.

Le régime d’apartheid avait voulu rayer de la carte Oukasie, un bidonville noir, et envoyer sa population noire à 30 km de là parce que la cité était une tache noire aux portes de la petite ville blanche de Brits. La cité noire était alors devenue un foyer d’opposition au régime. La JOC locale avait formé des comités de défense et un syndicat, et grâce à la campagne internationale dans laquelle la JOC internationale avait été très active, le gouvernement avait dû abandonner son projet.

Conscient du rôle joué par la JOC dans la lutte contre le régime d’apartheid, le Président Nelson Mandela avait accepté de participer à la cérémonie d’ouverture. Presque tous les habitants d’Oukasie s’étaient réunis sur le terrain de football pour accueillir les délégués de la JOCI et le Président Mandela. Ce dernier, avant de s’adresser à la foule, avait tenu à serrer la main de tous les participants qui s’avançaient en une longue file, le cœur battant, conscients de vivre un moment exceptionnel. Voici quelques extraits du discours de Mandela.

Oukasie, un symbole de la force que peut engendrer la résistance d’une communauté soutenue par la solidarité internationale

 mandela2« C’est assurément un grand privilège pour moi d’assister à la cérémonie d’ouverture du Conseil mondial de la JOC. J’éprouve une satisfaction particulière à m’associer à la longue tradition de lutte de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne contre l’injustice à travers le monde, y compris en Afrique du Sud.

Votre décision de tenir votre conseil ici, dans la petite communauté d’Oukasie frappée par la pauvreté, est très parlante. Une fois encore, vous signifiez de façon concrète qu’un véritable engagement pour la justice exige bien plus que de bonnes intentions et de belles paroles. Cela requiert une totale solidarité avec ceux qui luttent pour la justice.

La longue lutte d’Oukasie pour sa survie face aux attaques les plus brutales du régime d’apartheid est bien connue. Après chaque attaque, les habitants d’Oukasie se sont réorganisés et ont résisté aux expulsions forcées. Au cours de leur combat, ils ont établi des partenariats avec des organisations anti-apartheid à travers le monde. Oukasie est ainsi devenue un symbole de la force que peut engendrer la résistance d’une communauté soutenue par la solidarité internationale. Finalement, le régime d’apartheid a battu en retraite et la population d’Oukasie est sortie victorieuse. »

La JOC se situe à l’intérieur des réalités sociales des gens

« Je rappelle cette histoire parce qu’elle est significative de tout ce que la Jeunesse Ouvrière Chrétienne représente. L’une des plus importantes caractéristiques de la JOC est liée au fait qu’elle se situe à l’intérieur des réalités sociales des gens, en particulier des jeunes travailleurs, et qu’elle met fortement l’accent sur la nécessité d’une organisation efficace.

Nos décennies de lutte, hors de prison et en prison, nous ont appris que le plus important outil de résistance réside dans une organisation adéquate. Quelle que soit la situation d’inégalité, si les gens sont engagés et bien organisés, alors même le plus brutal oppresseur ne pourra les arrêter indéfiniment. Le peuple d’Afrique du Sud l’a prouvé, et je tiens à remercier la JOC pour sa contribution à cette merveilleuse victoire.

La JOC a été fondée dans un but précis : que l’Église puisse répondre aux besoins des travailleurs, mais pas en faisant la charité et en considérant les travailleurs comme des êtres passifs que l’on assiste. L’objectif était au contraire de permettre à des jeunes issus de familles ouvrières de se prendre en main, de donner libre cours à leurs capacités et de s’autonomiser en étant bien organisés. »

La JOC a contribué de façon significative à la création d’organisations de la société civile en Afrique du Sud

 « L’accent mis par la JOC sur la participation active de ses membres dans la mise en œuvre d’actions visant à changer leur vie a mis en lumière le grand potentiel de développement humain existant chez nos jeunes. Nul n’ignore que la JOC a contribué de façon significative à la création d’organisations de la société civile en Afrique du Sud, en particulier d’organisations de travailleurs. De nombreux dirigeants ouvriers qu’elle a formés continuent d’occuper des postes de leadership au sein du mouvement syndical, dans le gouvernement, dans des entreprises, et plus généralement dans la société civile.

Les organisations religieuses, spécialement celles qui concentrent leurs efforts en direction des jeunes, peuvent contribuer à apporter la réconciliation à notre pays et nous aider à construire la « nation arc-en-ciel » à laquelle aspirent la plupart des Sud-Africains. Il n’y a pas si longtemps, nos jeunes se regardaient les uns les autres du bout de leurs fusils. Aujourd’hui, ils se tendent la main pour bâtir un avenir commun. Toutes les grandes religions enseignent l’importance de la paix et de la réconciliation. Mais elles insistent aussi pour que la réconciliation aille de pair avec la disparition des injustices.

La démarche de la JOC a toujours été de prendre conscience des injustices et de les combattre, pour ensuite donner aux opprimés la capacité d’agir de manière constructive pour mettre un terme aux injustices et créer un monde meilleur pour tous. »

Le plus grand atout de l’Afrique du Sud n’est pas ses richesses minières mais sa jeunesse

« La jeunesse d’Afrique du Sud a apporté une contribution cruciale au combat pour la libération, et je ne doute pas qu’elle a les moyens de se défaire des injustices du passé. Je vous appelle à continuer votre travail pour le développement et l’engagement responsable des jeunes membres de la JOC et des jeunes d’Afrique du Sud en général.

Délégués au Conseil international de la JOCI 1995

Je dis souvent que le plus grand atout de l’Afrique du Sud n’est pas ses richesses minières mais sa jeunesse. L’avenir de ce pays dépend de vous – les jeunes qui êtes assis ici. J’ai toujours cru profondément que les acquis que nous avons engrangés pour la démocratie et la justice sont en sécurité entre vos mains ; et que vous permettrez à l’Afrique du Sud de mettre en œuvre ses potentialités afin qu’elle devienne la grande nation qu’elle doit être.

Que Dieu bénisse la Jeunesse Ouvrière Chrétienne dans l’important travail qu’elle accomplit ! »